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Hervé Guibert (1955 - 1991)
Exposition : Hervé Guibert, "Photographies"
Compte rendu de l'exposition à la Galerie Domus et au Hall des Humanités de l'INSA A Villeurbanne, du 1er avril au 7 mai 2008
Compte rendu paru dans Le Petit bulletin du 30 avril au 7 mai 2008
Par Jean-Emmanuel Denave
Images fantômes
«La photographie est aussi une pratique très amoureuse»…
Dans son très beau recueil de textes autour de la photographie, L’image fantôme, l’écrivain et photographe Hervé Guibert (1955-1991) fait notamment le récit d’une séance de pose, quasi incestueuse, avec sa mère. La pellicule mal accrochée dans l’appareil ne délivrera cependant aucune image, et le portrait de sa mère restera à jamais une «image fantôme»…
À partir de cette scène artistiquement primitive, fixer le temps, fixer la beauté des choses et des gens, relèvera d’une tentative chimérique, d’un désir toujours inachevé ou «déceptif». L’œuvre photographique d’Hervé Guibert donne inlassablement à voir cette impossibilité, cette fragilité et cette précarité du saisissement de l’autre ou de soi-même (comme dans ses écrits, l’intime et l’autoportrait occupent une place centrale dans ses photographies). Les fantômes y sont nombreux, les corps y sont souvent représentés sous forme d’ombres fugaces, de reflets tremblés, d’apparitions-disparitions enchâssées parmi les plis de superbes clairs-obscurs.
Absence, voile, buée : l’image flotte toujours entre deux états, présence et évanouissement, mélodie douce et silence, érotisme et mort… Et, même lorsqu’il photographie des objets inertes (marionnettes, statuettes ou bibelots meublant son appartement), ceux-ci prennent immédiatement un caractère d’inquiétante étrangeté ou d’énigme.
Avec beaucoup de pudeur, et au fond une grande précision poétique, Guibert «dessine» en creux les contours de cette dimension essentielle à toute existence humaine qu’est le manque. Manque à être ou manque amoureux, topologie de la mélancolie et de l’inextinguible désir d’impossible.
Jean-Emmanuel Denave Hervé Guibert, «Photographies» -
À la Galerie Domus et au Hall des Humanités de l’INSA, campus de l’Université Lyon 1 à Villeurbanne
Jean-Emmanuel Denave